Les Makwas, un peuple méconnu

 

Le peuplement de l'île de Mayotte s'est fait par vagues successives à travers le temps. Tout le monde reconnaît le patrimoine swahili et arabo-chirazien de la

 

culture mahoraise. L'héritage makwa, pourtant important, est moins mis en valeur. Cette semaine Tounda te donne un éclairage sur les Makwas.





D'où viennent les Makwas ?

Les Makwas sont un peuple africain qui habite aujourd'hui principalement dans le nord du Mozambique. La région makwa s'étend de la côte orientale au lac Malawi et inclut Nampula et Ilha de Moçambique. Du XIe au XVIIIe siècle après J-C, la région a fait partie intégrante de deux grands royaumes africains, celui de Zimbabwe et celui de Monomatapa. Au XVe siècle, le port de Sofala est le point de passage obligé pour les esclavagistes arabes et portugais.

Comment sont-ils arrivés à Mayotte ?

Dès leur installation sur la côte orientale africaine vers le Xe siècle après J-C, les Arabes font du commerce d'esclaves. Ceux-ci sont échangés contre de l'or ou encore des épices aux chefs qui les avaient faits prisonniers pendant des guerres ou directement enlevés par des marchands sans scrupule. L'arrivée des Portugais au XVe siècle accentue le phénomène. Non seulement, ils prennent de force de nombreux Africains, mais ils obligent également les sultans et chefs locaux à les fournir en esclaves.
Ceux-ci sont déportés en masse vers les pays arabes, le Brésil, mais aussi les Comores, Mayotte, Madagascar, Maurice et la Réunion pour cultiver dans les plantations de canne à sucre et de riz. La venue de Makwas à Mayotte se poursuit jusqu'à l'abolition

La traite en Afrique orientale et à Zanzibar au XIX° siècle...

Nègres porteurs ( dessin de Gustave Boulanger d'après Burton)

 

de l'esclavage le 27 avril 1848. Cependant, les colons français se fournissaient clandestinement chez les sultans des autres îles comoriennes pour avoir de la main d'œuvre esclave.

Comment est structurée la société mahoraise avant l'abolition de l'esclavage ?

La société mahoraise est divisée en trois classes sociales.
Les Kabaïla sont les nobles d'origine swahilie ou des métis d'Arabes, de Chiraziens et de Mahorais appartenant aux familles royales. Ils sont propriétaires des terrains, des commerces et parfois d'esclaves.
Les Wangwana, hommes libres que les Arabo-Chiraziens ont trouvé dans l'archipel à leur arrivée et qui n'appartiennent pas à une famille royale. Ce sont principalement des paysans.
Les Warumwa ou Washendzi, esclaves africains emmenés par les Arabes, les Chiraziens, Européens ou Malgaches pour travailler dans les plantations. Ils appartenaient le plus souvent à des maâtres qui avaient toute liberté sur eux.
L'arrivée des colons français modifie un peu cette structure. Des Warumwa vont se retrouver libres et des Wangwana vont devenir esclaves de fait après l'abolition de l'esclavage. Celle-ci rend de plus en plus difficile le recrutement de travailleurs pour les plantations, les conditions de travail sont très dures et la culture de la canne a du mal à se développer.

Que reste-t-il des Makwas à Mayotte ?

Aujourd'hui encore, le terme de Makwa est considéré comme péjoratif à Mayotte. Souvent, il est considéré comme une insulte envers quelqu'un de condition modeste. Même si aujourd'hui les classes sociales dépendent de l'argent que l'on possède, dans l'imaginaire populaire, la division en trois classes subsiste. Dans les mosquées, l'autorité est souvent détenue par les descendants de Kabaïla et pendant longtemps, il était difficile à un(e) Mrumwa de se marier avec un(e) Kabaïla.
Cette division est aussi faite sur des critères de couleur de peau. Une personne ayant la peau noire est qualifiée de Makwa ou Mshendzi alors que celle qui est claire de peau est considérée comme une Kabaïla.
La société matrilinéaire (héritage de mère en fille) mahoraise est similaire à celle que l'on peut observer chez les Makwas du Mozambique et de nombreux aspects culturels (msindzano, nambawane, etc.) se retrouvent aujourd'hui au Mozambique et à Mayotte. F.S.

D'après MAYOTTE HEBDO N° 276 du 24 / 02 / 2006




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